L’histoire des associations d’anciens combattants depuis 1870 à nos jours ou comment préserver le lien armée-nation

Depuis plusieurs mois déjà, nous consacrons notre énergie à la recherche sur les mouvements d’anciens combattants. N’allez surtout pas imaginer un sujet poussiéreux réservé à quelques nostalgiques, déconnecté de la vie des Français ! Rien à voir non plus avec une enquête sociologique se penchant sur des pratiques désuètes ! En revanche, le nombre d’association d’anciens combattants est pléthorique, et dégager le sens de leur histoire n’aura pas été chose facile !

La génèse du statut d’Ancien-Combattant

La question des anciens combattants bat au cœur de la République depuis le XIXe siècle. Car depuis que l’on ne porte plus les armes au nom d’un individu, fut-il le roi de France, mais bien pour défendre « la Patrie » et ses valeurs, la reconnaissance attendue est celle de la nation tout entière, dont l’État se fait alors le représentant. Et la reconnaissance de l’État apparaît très clairement comme l’objectif de toutes les associations d’anciens combattants depuis le mitan du XIXe siècle. Mais Rome ne s’est pas construite en un jour (foi d’historien !), et dans un premier temps, c’est autour de l’hommage rendu aux soldats tombés au champ d’honneur que se cristallise cette reconnaissance. Le XIXe siècle voit fleurir les premiers monuments aux morts. La Première Guerre mondiale et ses millions de tués, blessés, mutilés, représente ensuite un tournant majeur dans l’histoire des mouvements anciens combattants. Au-delà des actions de mémoire émerge désormais l’idée que la nation est à tout jamais redevable envers ceux qui sont tombés mais aussi envers ces millions d’autres, revenus du front blessés dans leurs corps et dans leurs âmes.

 

L’impact des guerres mondiales

En 1919, la fameuse Loi sur la réparation désigne l’État français comme débiteur de ces soldats qui ont payé l’impôt du sang, et c’est au nom de ce lien moral que les gouvernements successifs s’engagent dans une politique de compensation matérialisée par l’instauration de retraites et de pensions. L’engagement des mouvements d’anciens combattants dans ce combat pour la reconnaissance est d’autant plus important qu’ils sont tous animés, quel que soit leur bord politique, d’une même volonté de maintenir la paix à tout prix et pour toujours. L’histoire en décidera autrement.  

Après la Seconde Guerre mondiale, les associations d’anciens combattants changent de visage : désormais, les anciens membres de l’armée régulière mais aussi ceux des Forces françaises libres, les prisonniers de guerre, les déportés et même certains civils sont à leur tour considérés comme créanciers de l’État au nom de leur engagement dans la guerre. Et dans un esprit de réconciliation nationale, on tente d’accorder une place à chacun. 

 

De la 3e génération à nos jours

Les anciens de la troisième génération du feu, qui ont combattu principalement en Indochine en Algérie, semblent quant à eux avoir eu plus de difficultés à faire valoir leurs droits, sans doute en raison d’une perception négative de ces conflits dans la société civile. Cette distension du lien armée-nation s’explique également par l’éloignement des théâtres d’opérations et le statut militaire du personnel engagé. Un glissement vers l’armée de métier qui préfigure la quatrième génération du feu, celle qui combat aujourd’hui au Mali, en Syrie, en Irak dans le cadre des opérations extérieures. Aujourd’hui, alors que la diminution du nombre de soldats tués au combat tend à réduire ces décès aux « risques du métier », les associations d’anciens combattants veillent activement au maintien du droit à réparation qui participe jour après jour à l’entretien du lien crucial armée-nation.  

Cette histoire, marquée au sceau de la grande Histoire, est donc d’une actualité brûlante puisqu’il s’y joue l’avenir de la nation elle-même : pour qui et pourquoi accepte-t-on de mourir aujourd’hui, et quelle reconnaissance marquer à ce sacrifice ?